Comores

Mayotte se retrouve, depuis les Manifestations qui ont duré plus de quarante-cinq jours, une île flottante sans pilote et les fondés de pouvoir sont aux abonnés absents pour la résolution du conflit. Des mahorais, emportés par les slogans, par la légitimité de la cause, par la fougue d’aller vite et de ne pas se laisser berner (?), multipliaient toutes les manœuvres pour embrigader tout le monde vers le soulèvement radical, faisant fi souvent des règles élémentaires de la grève (si grève il y avait).

Au lieu d’encadrer, d’instaurer une sécurité irréprochable contre les personnes extérieures au mouvement, nous assistions à une insurrection belliqueuse. Mayotte et ses institutions étaient confinées à tel point qu’on se posait la question de savoir si les responsables de ces actes (barrages, expulsions des salariés, destructions des biens d’autrui…) mesuraient l’intensité de leurs responsabilités et de leurs délits. Personne à Mayotte, toutes tendances - politiques ou civiles - confondues, ne nie le motif déclencheur - la cherté de vie - mais la manière d’agir pour y parvenir au règlement nous préoccupe beaucoup. L’apparition de nombreux quiproquos fait planer une cacophonie mystérieuse.

Les méthodes pour parvenir aux revendications ne sont pas limpides. Que les leaders n’oublient pas qu’ils sont en face de sociétés, d'entreprises privées et les règles pour leur demander de baisser leurs prix sont complexes et bien règlementées par des textes. Si ces patrons refusent de jouer le jeu, ne leur mettons pas le couteau sous la gorge. Agissons avec beaucoup de délicatesse pour essayer de parvenir à nos fins.

Ne poussez pas la foule à l’extrême, car nous le regretterons amèrement. Notre population, cosmopolite et sensible, n’est pas mûre pour mener ce genre de mouvement social de longue haleine : laisser s'infiltrer des éléments incontrôlés et perturbateurs, prêts en découdre contre les forces de l’ordre, contre l’appartenance de Mayotte à la France, contre les Métropolitains, contre les étrangers, contre le chômage, contre les nombreuses inégalités sociales et pour la casse !

Je proposerais que nous prenions un peu de recul pour ne pas perturber cette île française, récemment candidate à la sphère européenne. Nous ne pourrons pas, par une baguette magique, éradiquer tous les maux existants sur notre beau pays en un laps de temps si court, par un seul mouvement populaire.

Le bébé vient d’être né après 50 ans d’âpres combats d’idées : ayons l’audace d’être pragmatiques !

Mais si vous, les leaders syndicaux, vous pensez que l’occasion est propice et, ayant le vent en poupe, vous nous poussez, têtes baissées, naïfs et emportés, à tout saccager, car les patrons nous auraient longtemps volés, préparez-vous à semer les mauvaises graines.

Etant convaincu que votre démarche risque de laisser des affres béantes, je vous suggèrerais de réviser certaines attitudes et d’agir autrement. Le rapport de force semble nécessaire, mais une bonne stratégie s’impose et d’autres pistes existent. Beaucoup de Mahorais ont à ce jour des moyens pour offrir à leurs compatriotes des conditions commerciales acceptables : qu’ils s’organisent et que les décideurs acceptent de les épauler dans leurs actions concurrentielles. Arrêtons enfin les discours guerriers; asseyons-nous autour d’une table et discutons avec ceux qui ont des projets fiables, des recommandations et des possibilités nouvelles.

Les consommateurs mahorais, à tous les niveaux, ont compris l’enjeu. Osons enfin passer à l’acte : des négociations sincères. N’oubliez pas que nos ainés ont mis longtemps pour arriver là où nous sommes : ils n’étaient pas fous, mais armés de patience et de diplomatie, ils sont arrivés à bon port. Ce spectacle a assez duré et nous a tous instruits.

Les électeurs mahorais commencent à réciter leur leçon. A la veille des échéances électorales, certaines têtes pensantes préparent le terrain pour renverser telle équipe ou tels éléments pour installer d’autres hommes et femmes, en répandant la haine dans les cœurs des militants !

Si ma vision et mon analyse restent fausses, j’attends de voir des propositions véridiques qui nous permettraient d’avancer vers la résolution de cette crise qui s’éternise, qui aurait dû être patronnée par l’association des consommateurs, censée maîtriser les érudits du commerce.

Arrêtons la pagaille, car Mayotte aspire à la paix civile.

Nous aimerions avancer dans la confiance vers la départementalisation, en prenant tout le temps qu’il faut pour offrir aux habitants de Mayotte de demain du confort, de la joie de vivre, de la sécurité, de l’égalité sociale et du développement réussi en harmonie avec notre environnement culturel et cultuel.

Restons solidaires pour avancer dans notre choix d’ériger notre patrie, Mayotte, en département français.

Hassani Harouna

Source: http://www.mayottehebdo.com/201111259832/tribune-libre-a-qui-profite-cette-greve