| Le rendez-vous était donné à 17 h sur le ponton des croisiéristes en Grande-Terre. C’est sur la vedette Makini de la brigade nautique de la Police aux frontières (PAF) que nous embarquions, accueillis par Valérie Maureille, commissaire de Police et directrice de la PAF de Mayotte et par Christophe Peyrache, responsable de la Brigade nautique. Direction le nord sur la demande de l’Elément de base navale « qui coordonne les moyens de l’Etat en répartissant les bateaux autour de Mayotte ». Et pour l’heure, un écho favorable était détecté au radar dans le nord de Mayotte, à l’est de l’îlot M’tsamboro. photos/2010-11-03-equipage_paf.jpg" alt="" /> Une partie de l'équipage de la brigade nautique Un écho favorable en langage PAF, c’est la signalisation d’un bateau de type kwassa, qui ramène clandestinement et quotidiennement les ressortissants des autres îles des Comores vers ce qui est pour eux un Eldorado mahorais : accès aux soins, scolarisation pour les enfants et possibilité d’obtenir éventuellement un jour la nationalité française. « Ce sont à 93 % des anjouanais » glisse Valérie Maureille, qui rappelle que si la brigade est présente 7 jours sur 7, elle sort de manière aléatoire la nuit ou le jour pour « ne pas créer d’habitude, rapidement repérable par les organisateurs des traversées ». Le article/mayotte__encore_un_accident_de_kwassa_a_kani_keli_-7021.htm" target="_blank">récent naufrage au sud de l’île et les article/mayotte__demantelement_d%EF%BF%BDun_reseau_d%EF%BF%BDimmigration_clandestine-6995.htm" target="_blank">nombreuses interpellations dans ce secteur s’explique par la couverture radar déficiente à cet endroit. Le 4ème radar promis par le président Sarkozy lors de son article/sarkozy_a_mayotte__promesse_tenue..._en_quatre_heures-6318.htm" target="_blank">passage à Mayotte « devrait être mis en place au premier semestre 2011. Nous essayons d’avoir une détection et une interpellation la plus précoce possible à l’arrivée du kwassa au large, car lorsque l’embarcation est trop proche de la côte mahoraise le pilote refuse d’obtempérer et prend des risques mettant la vie des passagers en danger. Lors de l’interpellation, les réactions les plus vives viennent d’ailleurs des pilotes » explique Valérie Maureille. Kwassas qui sont maintenant moins chargés : « à 15 ou 20, ils paient plus de 200€ mais c’est plus raisonnable sur la mer. Il existe des kwassa VIP, de luxe, où les passagers paient autour de 800 € ». « Au milieu de la nuit noire, 31 passagers à bord d’un kwassa de 7 m» « Il arrive que nous interpellions des embarcations qui, sous couvert de pêche, transportent des passagers clandestins ». L’écho radar du nord était un véritable pêcheur, nos narines s’en souviennent encore ! La Makini de la PAF décide alors de foncer vers un autre repérage, au sud ouest de Mayotte. Trois quarts d’heure plus tard, parcourus à 30 nœuds, nous arrivons de nuit sur le point donné par la base navale. Après un balayage infructueux du faisceau lumineux, les jumelles thermiques repéraient une embarcation : « Visuel ! Il y a du monde ! » Et en effet, une barque de type kwassa, de 7 mètres de long est arrêtée : 31 paires d’yeux nous fixent dans un silence pesant, contrastant avec les décibels fournis par les moteurs de la Makini qui nous avaient abrutis pendant prés d’une heure. Les pares battages sont sortis et les passagers transbordés de leur embarcation à la vedette de la PAF : le premier à monter est un homme portant un petit garçon de 2 ans environ, perfusé… Un bras pour l’enfant, un pour le flacon… Ensuite, une femme enceinte de 7 mois qui souffre, soutenue par ses compagnes d’infortune : partis depuis 8 heures du matin d’Anjouan, ils sont tous épuisés. Il est maintenant 21h. Les 8 femmes sont maintenant assises ou allongées à l’arrière du bateau de la PAF, les hommes plus nombreux à l’avant. Chez ces derniers, on sent de la résignation, alors que les bouénis qui se sentaient si près du but se prennent la tête entre leurs mains en se lamentant... photos/2010-11-03-bouenis.jpg" alt="" /> Lors de l’arraisonnement, la réglementation oblige la PAF à considérer l’opération comme un sauvetage : « nous embarquons toutes les personnes à bord de notre bateau car le kwassa n’est pas homologué. Au premier semestre de cette année, nous avons interpellé un kwassa de 9 m sur lequel il y avait 63 personnes : cela a nécessité l’envoi d’un autre bateau de la PAF ». « L’hôpital plutôt que le CRA » C’est le retour vers Petite terre, en passant par la côte est de Mayotte. A l’arrivée à quai, les pompiers sont là, mais il faut trouver la mère du petit perfusé. Une bouéni prend l’enfant dans ses bras, « c’est la sœur de sa mère » dit le père, mais elle ne veut pas en démordre « je suis sa mère»… les policiers, démunis, la laissent partir. Elle ira à l’hôpital plutôt qu’au Centre de Rétention Administrative (CRA), « elle peut donc se retrouver dans quelques heures dans la nature en laissant le petit à l’hôpital » murmure-t-on sur le quai. photos/2010-11-03-enfant_perfusion_400.jpg" alt="" /> En attente de soins médicaux... Les autres attendent de partir par groupe de 10 pour le CRA. Ils retenteront la douloureuse traversée, puisqu’il y a plus de 50 % de récidive. Au niveau des perspectives, les améliorations version PAF sont « le nombre croissant d’interpellations qui seront renforcées grâce notamment à l’installation du 4ème radar qui doit rendre le périmètre étanche. On en est à 257 interceptions, en augmentation par rapport à l’année précédente » relate Valérie Maureille, « sans qu’il y ait davantage de départs de kwassas à partir d’Anjouan ». Mais au regard de la situation géopolitique, aucun espoir n’est à attendre : Mayotte ressemblera toujours à un Eldorado tant que des moyens financiers conséquents ne seront pas mis en œuvre pour rehausser le niveau de vie à Anjouan, Mohéli ou même Grande Comore et y développer la coopération régionale. Moyens financiers qui doivent se chiffrer en plusieurs de dizaines de millions d’euros, mais dont le nécessaire contrôle de la bonne utilisation des fonds serait perçu comme une ingérence. Un flux exploité également par une économie parallèle qui se nourrit de la clandestinité, ici, à Mayotte. Une terre de paradoxes… A.L. Photos Annette Lafond (Source : Malango Actualité) |